Bonheur à vendre

Nous vivons dans une société dans laquelle toute sorte de bonimenteurs cherchent à nous faire croire que tout peut s’acheter. Quels que soient vos désirs, vous trouverez une entreprise prétendant être en mesure de le combler du moment que vous alignez les billets sur la table.

Alors certes, je n’aurai rien à reprocher à une boite qui vends des trucs qui peuvent réellement s’acheter. Si ce dont vous avez besoin est une poêle à frire, il n’y a rien d’incohérent à faire appel au Grand Capital.

Là où ça devient plus gênant — « gênant » étant un euphémisme pour « malhonnête » —, c’est cette capacité à répandre l’idée que tout est achetable. Même ce qui ne dépend pas de la production industrielle.

Nous avons tous vu des pubs pour ces aliments vendus comme « probiotiques » : ces machins qui « renforcent vos défenses immunitaires ». Bien sûr, vous ne saurez jamais combien de fois vous auriez été malade cette année si vous n’en aviez pas acheté. Voilà qui est bien pratique.

Les marketeux ont aussi parfaitement cerné l’un des plus grands non-dits de nos sociétés : la peur de ne pas être désirable. La recherche de la jeunesse éternelle a encore de beaux jours devant elle. Achetez nos crème antirides pour avoir l’air plus jeune. Nos protéines pour avoir de gros muscles. Nos crème amincissantes…

Des crèmes amincissantes, sérieux ? Ça n’a même pas le mérite d’être crédible !

D’ailleurs, avez-vous remarqué les tentatives de l’industrie dite « cosmétique » de tenter de convaincre le public masculin de s’étaler lui aussi de l’huile de palme et des dérivés du pétrole sur le visage. Il est vrai que ce n’est que justice : pourquoi les femmes devraient être les seules à payer la taxe rose ?

Et si vous utilisez une appli de rencontre, surtout gardez bien en tête que vous serez une personne bien plus séduisante si vous prenez la version payante. Ça va de soi.

Bref, santé, jeunesse, minceur, muscles, partenaire sexuel de compet’, vous pouvez tout avoir sans faire d’effort. Il suffit juste d’y mettre le prix. Rien que ça.

Mais ce qui m’interpelle, c’est le grand absent de cette liste. À ce jour, quasiment aucune entreprise ne prétend vous vendre de l’intelligence. D’ailleurs, je vous mets au défi de trouver un seul personnage de spot publicitaire — en-dehors du berger allemand dans les pubs pour les croquettes — qui ait seulement l’air intelligent.

Je vous laisse en déduire ce qu’il y a à déduire des normes sociales du public-cible…